01 janvier 2007

 

Bonne année !

En France, depuis Beaumarchais, on a coutume de dire que « tout finit par des chansons ». Mais comme je n'aime pas trop l'idée des choses qui se terminent, j'aimerais prendre le contrepied de cette tradition, et commencer l'année en chansons (en espérant ne pas la finir dans le chagrin !)

Récemment, on m'a demandé de faire une présentation sur la chanson française, pour un public d'étudiants majoritairement non francophones, et pour qui mon cours allait être la première occasion d'aborder la question.
Sachant combien la première impression est déterminante, je dois bien avouer que j'avais un peu le trac : comment relever le défi en une unique séance de 90 minutes ?

En bonne élève, j'ai d'abord studieusement épluché la littérature disponible sur le sujet, ce qui n'était pas du luxe pour avoir une vue panoramique du terrain à explorer. Mais il était hors de question de leur infliger pendant une heure et demie, dans mon japonais approximatif, un insipide concentré d'histoire de la chanson française. Il s'agissait simplement d'être en mesure de bousculer quelques idées préconçues.

Car qu'est-ce que représente la chanson française pour ces jeunes Japonais ? Soyons honnêtes : pour la plupart d'entre eux, rien du tout. Et pour ceux qui restent, cela évoque ce genre qui répond à la dénomination japonaise de シャンソン (transcription du mot « chanson » à prononcer « shian'çon ») pour désigner le courant des chansons à texte des années 1940 - 1950, où caracolent en tête des titres comme Les Feuilles Mortes ou La Vie en Rose, en une sorte d'équivalent occidental du enka japonais. Bref, n'ayons pas peur des mots : un truc ringard.

Faute de pouvoir envisager de faire un plaidoyer des textes de Prévert (à l'impossible, nul n'est tenu), j'ai pris le parti de leur montrer que la chanson française, ce n'est pas que cela. J'ai d'ailleurs été la première surprise de constater à quel point c'est vrai : en consultant le classement des meilleures ventes de singles en France, j'ai découvert que 3 des 5 titres les plus vendus relèvent du rap français, alors que je m'attendais à une domination de la variété internationale.

Et comme des images valent mieux qu'un long discours, et que je disposais du matériel adéquat (malgré des problèmes de connectique de dernière minute qui m'ont donné de sacrées sueurs froides), j'ai décidé de les bombarder de clips vidéos.
Après une courte introduction historico-géographique sur la position centrale de la France en Europe et sur les principaux courants migratoires pour expliquer l'hétérogénéité de la population française et son impact sur la diversité des genres musicaux, j'ai projeté les 9 clips suivants, regroupés sous 3 thèmes très généraux :

A) Rechercher l'amour
B) S'insérer dans la société
C) Être citoyen du monde
Pour finir, je me suis même payé le luxe de faire un exercice d'écoute à partir de Putain ça penche, où Souchon égrène 87 noms de marques pour dénoncer la société de consommation dans laquelle nous baignons. Je reconnais que je n'ai pas rendu justice à la portée critique de la chanson, puisque je demandais simplement à mes auditeurs d'entourer sur une planche de logos les noms des marques qu'ils reconnaissaient ; mais les entendre s'esclaffer lorsqu'ils comprenaient que les Français prononcent « puma » ce qui devrait se dire « pioumeuh » a suffi à mon bonheur d'enseignante face à des débutants complets.

Évidemment, j’étais très curieuse de savoir ce qui leur avait plu, et pourquoi. En exclusivité, je vous livre donc les résultats du palmarès de mes 41 juges :

- Kamini a été plébiscité avec 10 voix, ce qui tendrait à montrer qu'il existe un humour universel ! Les étudiants ont savouré le décalage entre le cadre rural et la musique hip-hop. Ils ont aussi aimé l'aspect amateur de la production, et la participation des habitants du village au clip. Un étudiant a indiqué qu'il ne savait pas qu'il y avait des Noirs en France, et je suppose qu'il n'était pas le seul ; mais la surprise n'a pas fait obstacle à l'adhésion !

- Juste derrière, Alain Souchon prouve qu'on n'est pas près de l'enterrer avec 9 voix. Le clip, qui contient des images d'archives parfois violentes, a fait forte impression, et le fait qu'il s'achève sur des prises de vues de tests nucléaires n'a certainement pas laissé indifférents les étudiants de Nagasaki. J'ai noté par ailleurs que c'était la chanson la plus appréciée des étudiants chinois, pour son rythme lent et le message de paix qu'elle véhicule (mais, outre ces raisons qui m'ont été données, j'ai cru reconnaître dans le clip un film d'époque où on voit des soldats japonais fusiller sans autre forme de procès des résistants chinois ; à vérifier…)

- En troisième position ex aequo avec 6 voix chacun, on trouve Diam's, Cali et la Star Academy, malgré la contre-publicité que je n'ai pu m'empêcher de faire concernant cette dernière. Je me réjouis que mes sages Japonaises aient été sensibles au féminisme culotté de Diam's !

- En quatrième position, avec 4 voix, Manu Chao se défend bien avec son morceau entraînant et son clip jugé aussi élégant que mystérieux.

- Enfin, viennent Anis et Moby/Mylène Farmer, qui ne jouent pas du tout dans la même catégorie, mais qui remportent 2 voix chacun.
Je me suis pris un sacré coup de vieux lorsqu'une étudiante s'est exclamée, alors que j'expliquais que Moby avait contribué à la bande originale du film The Beach (2000) :
« Oh, mais dites donc, ça date ! ». Moi, j'ai l'impression que c'était hier…

- Le grand perdant du jour est donc Doc Gynéco, dont le reggae n'a, semble-t-il, pas convaincu malgré un clip sympathique : 0 vote.

* Mes lecteurs attentifs auront remarqué qu'il y a 45 votes pour 41 présents ; c'est que, malgré mes consignes, certains n'ont pu se décider entre 2 artistes... Ainsi, la Star Academy était souvent couplée avec un autre choix (pour ne pas aller ouvertement à l'encontre des goûts du professeur ?)

Bon, bien entendu, ma sélection est très critiquable : ça manque de femmes, le raï n'y est pas du tout représenté, etc. Je dois dire à ma décharge que mon choix – qui reflète d'ailleurs assez peu mes goûts personnels ! – a été largement inspiré par l'intérêt des clips. Mais j'ose espérer que mon objectif principal – éveiller l'intérêt pour la chanson française – a été atteint.

Et vous, quel aurait été votre choix parmi les 9 ?

Comments:
Moi c'est tout vu, j'en choisis aucun... Mais on pardonnera au japonais son ethousiasme, il n'a pas des années de torture musicale française derrière lui... C'est comme la Jpop, ca va bien 5 minutes...
 
Bon, ok, admettons que Manu Chao à la pêche (normal, il ne vit plus en France)...
 
Je te souhaite une bonne nouvelle année, avec d'la joie, des hirondelles, et des sourires.
Pour revenir à ton sujet, j'ai eu quelques diificultés à choisir : la musique francaise me laisse de marbre quand elle ne provoque pas d'éruption cutanée. Je choisis Marly Gomont, pour l'humour.
 
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