10 août 2006

 

61e anniversaire de la bombe atomique

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À Delphes, dans le temple d'Apollon où officiait la Pythie, les Grecs adoraient un bloc de pierre qu'ils nommaient omphalos, soit « le nombril du monde ». Une pierre semblable, en marbre bleu, se trouvait dans le temple d'Apollon de Klaros, près d'Éphèse, dans l'actuelle Turquie.
À Nagasaki, c'est aussi une pierre qui dès le début a marqué le centre de l'explosion de la bombe atomique, comme le montre la photo ci-contre prise en octobre 1945. On dirait une colonne en béton récupérée à la hâte parmi les débris. Elle a été remplacée à plusieurs reprises, et maintenant c'est un pilier carré en marbre noir qui signale l'emplacement de l'hypocentre.

Hier, faute de pouvoir assister à la prière collective au Parc de la Paix, j'ai observé une minute de silence avec ma classe à 11h02. Je venais de terminer une présentation sur Les Visiteurs du Soir, dont les amants statufiés ont paru à mes élèves « si typiquement français »… Puis, sitôt acquittée de mes obligations à l'École, j'ai sauté dans le bus pour me rendre dans le quartier de Matsuyama.


Il était à peine seize heures, mais la foule s'était déjà complètement dispersée sous la tente principale, et les rares personnes présentes étaient là pour finir de ranger le matériel.
Il faut dire qu'il faut dire qu'il faisait une chaleur accablante. Les femmes venaient chercher un coin d'ombre et de fraîcheur près de la fontaine, tandis que dans les buissons stridulaient les cigales.
Un homme coiffé d'un chapeau chinois est venu déposer un lampion sur l'autel de l'hypocentre. J'ai pensé à Monsieur Takazane qui va régulièrement à Tokyo pour assister aux procès où sont plaidés les droits des hibakusha chinois et coréens.
Pour ce qui est de la couverture médiatique, il restait seulement une équipe de télévision locale, dont j'ai d'ailleurs vu le reportage aux informations du soir. Je leur dois de m'avoir apporté une explication à cette apparente désertion : en fait, il semblerait que tout le monde était allé qui au concert géant pour la paix, qui au congrès pour la non-prolifération et la suppression des armes nucléaires.

Pour que vous ayez quand même quelque chose à vous mettre sous la dent, voici quelques photos prises l'an dernier, pendant les grandes célébrations du 60e anniversaire de la bombe atomique. Cette fois-là, j'avais pu me joindre à la prière collective.
À l'approche de 11h02, les bonzes qui tapaient en rythme depuis près d'une heure sur leur raquette-tambour ont commencé à ralentir la mesure avant de s'arrêter complètement, comme un cœur qui cesse de battre.
Il s'est fait un grand silence pendant une minute, puis les conversations ont repris comme si de rien n'était.
À quelques pas de là, j'ai croisé un Américain qui faisait acte de contrition. Il m'a regardée intensément pendant que je le prenais en photo, peut-être a-t-il pensé que j'étais japonaise. Je n'ai pas eu l'occasion de le vérifier car, mon forfait accompli, je me suis enfuie comme une voleuse sans lui adresser la parole. Ce n'était ni élégant ni gentil de ma part, mais il y avait quelque chose qui me mettait mal à l'aise dans cette exhibition publique, outre l'aspect sectaire du « Prayer Vigil »; et pourtant, comment demander pardon autrement sans ambages ?

Comments:
Chère lectrice,

Sujet grave, cette fois. Tous ceux qui ont fait le pélerinage de Nagasaki et Hiroshima savent qu'on n'est plus le même "après".
Et pourtant, incorrigiblement futile, je me suis précipité sur le lien qui m'a conduit vers les stridulations des cigales (une de mes "madeleines proustiennes"). Imagine, en septembre 1967, le fils de petits paysans du Chinonais, du Centre s'il en est, découvrant le violon des cigales à l'occasion d'un dîner zen dans un temple-restaurant de Tofu, à Kyôto, et demandant à Nakamura et Takaoka, ses guides-initiateurs: "Qu'est-ce qu'on entend là?".
Grâce à toi, je redécouvre le Japon de mes premières impressions, merci!
 
Cher lankou,

Je suis heureuse que mes billets éveillent des résonances aussi profondes. Et je me dis souvent que le blog qui me tient le plus à cœur s'écrit dans ces commentaires !
Mais je constate que le temps embellit les souvenirs, ou bien que tu devais avoir un sacré coup dans le nez ce soir-là, pour parler du « violon » des cigales. Perceuse électrique ou scie sauteuse, j'aurais adhéré ; mais « violon » me semble vraiment trop indulgent pour évoquer ce grésillement assourdissant qui rappelle à chacun que l'été est là et qu'on serait décidément mieux à faire la sieste dans la fraîcheur de la climatisation.
Pour le reste, sujet grave en effet, dont je parlerai encore à plusieurs reprises.
 
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Peu connu mais intéressant :
http://en.wikipedia.org/wiki/Japanese_atomic_program
 
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