07 juillet 2006

 

Tanabata

Ce soir, dans la touffeur de l'air chargé d'humidité, le Japon a les yeux rivés vers le ciel, non pas pour guetter d'éventuels tirs de missiles nord-coréens, mais pour célébrer les retrouvailles annuelles de Véga la Tisserande (Ori-Hime) et d'Altaïr le Bouvier (Kengyû) de part et d'autre de la Voie Lactée.

Bon, il est dit que la rencontre a lieu le septième jour du septième mois selon le calendrier lunaire, ce qui en principe nous ramène plutôt début août, mais ne soyons pas si regardants. Ce qui m'intrigue davantage, c'est de découvrir sur les cartes célestes occidentales qu'un troisième larron s'est invité à la fête : Deneb, dont le nom signifie « queue » en arabe, en ce qu'il forme effectivement la queue de la constellation du Cygne. D'ailleurs, sous nos latitudes, on appelle « triangle de l’été » cette configuration stellaire formée par Altaïr, Véga et Deneb. Et voilà comment on passe des retrouvailles romantiques orientales au triangle amoureux de nos vaudevilles ! Aigreur ou démystification ? Mais promis, je ne vais pas encore bassiner ceux qui me connaissent bien avec mon obsession pour la théorie girardienne du désir mimétique, bien que ça me démange !

Ce soir, dans le quartier de Chûo-Bashi, on a fêté aussi entre collègues la réouverture d'une de nos cantines préférées après 2 mois d'inactivité : le patron avait fait une chute du haut du mât de son yacht, se cassant le talon, ce qui lui interdisait non seulement de se tenir debout, mais surtout de fouler pieds nus, comme l'exige la tradition, la pâte de sarrasin servant à confectionner les nouilles « soba » qui sont son principal fonds de commerce. Je le soupçonne de ne pas être tout à fait rétabli, car il m'a couverte de compliments alors que d'habitude il met son point d'honneur à me chambrer, me demandant d'un air faussement innocent si je n'aurais pas un peu forci, ou encore si mes seins ne seraient pas en train de dégringoler. Inutile de préciser après cela combien l'humour japonais est grivois, voire scatologique ; il faut bien un contrepoids à la majesté des arts martiaux ! Personnellement, ce contraste radical me ravit.

Ce soir, c'est encore l'après-midi en France, et je songe à cette amie qui s'apprête à fêter son anniversaire. L'étymologie de son prénom se perd entre le ciel étoilé, les secrets qu'on cèle et la cécité, sans doute provoquée par son éblouissante beauté.
Comme beaucoup de mes amis, je la vois moins souvent qu'Altaïr ne retrouve Véga, mais je pense à elle tout autant, et avec pas moins de tendresse, je crois.

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