06 mai 2006

 

Une « Semaine en Or » et en amoureux

Dimanche, comme tous les habitants de la région, nous sommes allés admirer les voiliers qui chaque année viennent parader dans le port de Nagasaki.

Mais cette fois-ci nous n'avons pas eu la chance de voir notre numéro tiré au sort pour participer à une croisière d'une heure sur la jonque « Feifan ». Bah, comme on dit, malheureux au jeu, heureux en amour !

Pour nous consoler, nous nous sommes dirigés vers les guinguettes pour nous offrir des brochettes de seiche grillée en sauce (impossible de passer devant le stand sans saliver de gourmandise, quand ce fumet sucré-salé vient vous chatouiller la narine !)

Le commerçant et sa femme, apprenant que nous étions français, nous ont fièrement expliqué que leur fils, karatéka, avait séjourné en Corse, car apparemment le dojo de la préfecture de Kumamoto organise des échanges avec celui de l'Île de Beauté. « Nous ne sommes jamais allés plus loin que Hokkaidô, mais notre fils, lui, a visité toute l'Europe ! » Respect à vous, ô marchands ambulants, enfanteurs de conquistadores…

Serait-ce l'une des conséquences du kôsa (黄砂), ce sable jaune qui profite de la vigueur des vents printaniers pour venir se déposer du fin fond du désert de Gobi sur tout le littoral japonais ? Toujours est-il que depuis lundi, je me traîne une angine carabinée qui m'a littéralement mise sur les rotules mercredi.
J'ai donc passé le « Jour de la Constitution » à dormir, incapable de sortir du périmètre de mon cimetière chéri où j'espère que les mauvais esprits n'ont pas insidueusement pris possession de mon corps pendant que je faisais la sieste au soleil !

Dieu merci, j'étais assez requinquée jeudi pour ne pas avoir à annuler notre sortie à Hasami. Conduits par mon collègue Tetsuya et son amie Mitsuko, nous avons donc découvert l'atelier de Monsieur Tomita, perché au sommet d'un village en pleine campagne, à la lisière des préfectures de Nagasaki et de Saga.
Monsieur Tomita n'est pas un vieux sage famélique à barbe blanche, c'est un jeune brun joufflu qui a grandi en regardant comme nous les dessins animés à la télévision ; de sorte qu'il prend autant de plaisir à façonner des bols en respectant les canons d'une tradition plusieurs fois centenaire, que des robots-lanternes sortis tout droit de son imagination.

Sous sa direction, nous nous essayons avec plus ou moins de bonheur à l'art de la poterie sur tour. Mais vous n'aurez pas (pour le moment) l'occasion de vous moquer de nos œuvres, car il faudra patienter encore un bon mois pour qu'elles soient prêtes à être cuites et vernies par notre professeur.

Du coup, comme nous ne voulions pas repartir les mains vides, nous avons fait des emplettes à la foire de Hasami, qui nous a paru encore plus gigantesque que celle d'Arita.

Plus qu'un marché, c'est un vrai salon des artisans de la région, avec distribution de plan au « Point Information » pour être sûr de ne rater aucune enseigne.
Bien entendu, nous n'avons pas manqué de visiter le stand de Monsieur Tomita, où, après avoir longuement hésité entre des tasses à thé, des bols à riz et des robots de différents formats et dans différentes postures, nous avons fini par adopter ce sympathique petit hippopotame dont le franc sourire ressort si bien sous l'éclairage de ma lampe florale (que mon pacsé trouve affreusement kitsch, mais qui est pour moi la classe-même, car elle s'allume sans interrupteur, par simple pression, et offre trois degrés de luminosité différents, mais là je m'égare. Tout ça pour vous dire de ne pas vous laisser berner par ce « nous » consensuel que j'emploie depuis le début de cette note, mais qui contient difficilement nos goûts divergents !)

Vendredi, nous avons démarré la journée au Shôfukuji, qui est à mes yeux le plus joli temple de Nagasaki, à défaut d'être le mieux entretenu. Sans doute son état de semi-délabrement ajoute-t-il à son charme…
C'est un monastère zen du 17e siècle, avec un joli jardin verdoyant planté d'arbres tropicaux, que l'on peut admirer depuis une sorte de véranda carrelée de larges dalles ocre rouge. En été, c'est un bonheur de fraîcheur d'y poser la plante de ses pieds nus (mais gare aux moustiques !)

Après ce ressourcement spirituel, nous sommes allés voir l'exposition consacrée à l'anniversaire des 150 ans de relations diplomatiques russo-japonaises, au Musée de l'Histoire et de la Culture de Nagasaki. L'exposition en elle-même avait assez peu d'intérêt (et les explications étaient si parcimonieusement « diplomatiques » qu'un Occidental honnêtement cultivé – comme, à tout hasard, mon pacsé – pouvait difficilement comprendre par exemple quelle puissance l'avait emporté dans la guerre russo-japonaise, ce qui n'est quand même pas un détail puisqu'elle a marqué le début de la dégradation irrémédiable des relations entre les deux pays. Et n'allez surtout pas imaginer qu'en écrivant cela, je me moque de mon malheureux fiancé, moi qui ne savais même pas que l'aigle à deux têtes était le symbole des tsars russes, qui l'avaient piqué aux empereurs romains !), mais le musée, que nous visitions tous les deux pour la première fois, est un bel ensemble architectural qui offre une présentation amusante de l'histoire des relations entre Nagasaki et le reste du monde.

Pour rester sur la note slave, et comme la
« Journée des Enfants » est avant tout en réalité celle des garçons (celle des filles étant célébrée le 3 mars, jour de la « Fête des Poupées »), j'ai invité mon amoureux à dîner à Harbin, qui, comme son nom ne l'indique pas, est LE restaurant russo-japonais de Nagasaki.
Bon, ce seul paragraphe pourrait vous amener à conclure que le japonais est infoutu d'appeler un chat un chat, mais encore une fois ce serait assez injuste, car en général c'est une langue d'une clarté presque prosaïque ; l'utilisation de la combinaison des idéogrammes (les fameux kanji, qui donnent à suer sang et eau à tout apprenti japonisant) permet à mon avis une appréhension beaucoup plus précise du sens du vocabulaire utilisé que dans les langues occidentales. Par exemple, là où le mot
« autoroute » laisse à l'appréciation de chacun ce qui caractérise une autoroute par rapport à d'autres routes où circulent des voitures, le mot « kôsoku-dôro » (高速道路), dont les 4 caractères signifient « route à grande vitesse », ne laisse pas de place au doute.
(Oui, je m'égare encore, mais je découvre en même temps que vous qu'il m'est impossible de faire le récit d'un dîner romantique sur un blog !)

Et nous sommes déjà samedi soir : il a plu toute la journée, nous nous sommes félicités d'avoir profité du beau temps des jours précédents, sans nous remettre franchement au travail pour autant aujourd'hui. Une fin de semaine tout en douceur, qui nous ferait presque oublier que lundi n'est pas férié ici !


Comments:
Je ne prends même pas le temps de finir ton récit (qui fait rêver, quand on est sous la pluie à Paris) : je suis moi-même la propriétaire comblée d'une lampe au fonctionnement tactile, avec trois degrés de luminosité, et je ne m'en lasse pas. C'est tout simplement fascinant, ce rapport charnel avec un objet qui, en plus, dans mon cas, est extrêmement impersonnel (c'est une lampe années 70 en acier et avec un abat-jour noir, que l'on doit trouver chez nombre de bobos fréquentant Habitat, mais là aussi je m'égare). TOn "nous" est donc justifié, puisque nous sommes au moins deux. Je vais continuer ma lecture.
 
Je m'aperçois avec honte, en reprenant ma lecture, que le "nous" concernait, non pas la communauté que tu formes (?) avec tes lecteurs, mais ton couple : ma dernière phrase est donc tout à fait déplacée. L'enthousiasme qui m'a saisi à la description de ta lampe m'a égarée...
 
Ben non, Raïssa, c'est tout à fait naturel de se sentir intégré dans ce "nous", quand le blog est si convivial.
 
Chère Raïssa,
ne doute pas que mon «nous» te soit toujours ouvert, surtout lorsque tu viens me prêter main-forte sur des questions aussi cruciales !
Et ceux qui ne verraient dans tout cela que divagations de bonnes femmes lascives, sont invités à constater que lui aussi partage notre enthousiasme. Si ce n'est pas une caution esthétique, ça !
 
Chère Lectrice,
L'hippopotame, j'ai commencé par l'imaginer, ébloui que j'étais par cette superbe lampe technico-sensitive; j'ai donc procédé à un agrandissement pour discerner l'hippo, dont le sourire, le sourire, bon, me fait penser à un poisson-chat ahuri.
Je suis particulièrement sensible à l'hippopotame, parce qu'il a son histoire dans mon enfance. Mon père est arrivé de "captivité", avec des livres pour les aînés, qu'il avait glanés retour de Germanie, à la faveur d'une escale chez sa soeur aînée, à Eaubonne. Et l'un d'eux, sur sa couverture à fond bleu, annonçait "Mali, l'hippopotame". C'est ainsi que j'ai fait connaissance simultanément de mon père et du "cheval des fleuves": ne les ai-je pas confondus parfois? Va donc savoir...
 
Décidément,les grands esprits se rencontrent: figure-toi que j'ai découvert assez récemment l'existence de la chaîne de maasins "L'Homme moderne", existence qui me remplit de joie chaque jour, surtout depuis que j'ai découvert leur best-seller, qui apparaît au bas du lien que tu signales : le coupe-poils de nez (pour Hhhommes, bien sûr). Il y a aussi un pistolet à vapeur, estampillé "arme universelle contre la saleté". Mais je m'en voudrais de ringardiser ton blog, et je m'arrête là.
 
Eaubonne, Bonnezeaux… C'est drôle comme une ville de la région parisienne peut prendre des accents de Pays de la Loire !
 
Oui, Eaubonne, du Pays de la Loire ca n'en a que l'accent... IL n'y a pas la Loire, et 2 fois moins de soleil, ce qui n'est pas peu dire... L'eau y est peut être bonne, mais pas autant que le Bonnezeaux dont j'ai quelques caisses à la cave d'ailleurs, du domaine des Petits Quarts, une merveille, qu'on pourra boire en famille puisque je sais que Lankou aime ça...
 
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