15 avril 2006

 

Veillée pascale


En bonne catholique, je ne vais à la messe que deux fois par an : à Pâques et à Noël. (Et encore, je ne réussis pas toujours mon coup : ainsi, j'étais dans l'avion le 24 décembre dernier, ce qui m'a privée de messe de minuit).
Cela demande une certaine vigilance de ne pas louper Pâques au Japon, car bizarrement, les confiseurs, qui ne ratent jamais une occasion d'essayer de refourguer leurs chocolats hors de prix, brillent par leur discrétion : pas d'œuf en chocolat, non plus que de cloche ou de lapin ou autre poule encacaotée pour nous remettre dans le droit chemin. Mais bon, avec un minimum d'organisation, on y arrive quand même.

L'an dernier, je venais d'arriver à Nagasaki, je n'y connaissais personne, et je m'étais rendue seule à la cathédrale Urakami pour assister à la messe du dimanche pascal. Je me souviens que j'avais été impressionnée de trouver salle comble, et de voir que toutes les femmes portaient la mantille.
J'avais également découvert les vestiges de l'ancienne église d'Urakami, complètement détruite par la bombe atomique après avoir été la plus grande église d'Extrême-Orient (cocorico, elle avait été édifiée à l'initiative d'un missionnaire français, le père Pierre Fraineau, disparu 3 ans avant la pose de la dernière brique en 1914). Au hasard de mes pérégrinations sur l'Internet, j'ai également appris que l'un des chapiteaux originaux de l'église orne maintenant le bâtiment de l'UNESCO, à Paris donc…

Cette année, ma collègue Loretta m'a proposé de nous rendre ensemble à la messe, ce que j'ai accepté avec d'autant plus de plaisir qu'elle me suggérait de nous rendre à la veillée du samedi soir, et non à l'office du dimanche matin, me permettant ainsi de faire la grasse matinée en toute bonne conscience. Nous nous sommes donné rendez-vous dans le centre commercial le plus proche pour manger un morceau avant de nous rendre à la messe.

Américaine d'ascendance autrichienne, Loretta est une vieille dame très souriante et très pieuse. Pendant le repas, elle se propose de reprendre en main mon instruction religieuse et me parle de saint Josemaría Escrivá, le fondateur de l'Opus Dei, qui n'a rien à voir avec ce qu'en décrit Da Vinci Code, s'empresse-t-elle de me préciser (comme si elle avait vu l'ombre de Raïssa se profiler derrière mon épaule !) Depuis une semaine, elle semble préoccupée par mon refus énergique d'aller à confesse et tente une dernière fois de me faire changer d'avis, sans succès. Mais elle ne m'en fait pas moins gentiment cadeau d'une petite brochure :


La messe a duré près de deux heures, mais je n'ai pas vu le temps passer. Loretta m'a prêté un missel en anglais pour que je puisse comprendre la liturgie.

C'est la première fois que j'assiste à une veillée, et je dois dire que le début est assez saisissant : nous avons chacun à la main une bougie éteinte et la cathédrale est plongée dans le noir, jusqu'à ce que le prêtre entre avec le grand cierge pascal, entouré des enfants de chœur qui vont peu à peu diffuser la lumière parmi les rangs des fidèles, pendant que le prêtre répète : «Je suis la lumière du monde. Je suis l'Alpha et l'Omega, le Premier et le Dernier, le Principe et la Fin». On se fait passer le feu de bougie à bougie, la bonne nouvelle se répand comme une traînée de poudre, et bientôt la cathédrale entière est illuminée. Ça colle des frissons, je vous jure !

Par la suite, il y a beaucoup de lectures et de psaumes, et l'évêque fait son homélie qui fout aussi un peu la trouille : «Pour pouvoir ressusciter, il faut d'abord mourir : ainsi, ressusciter, c'est un peu mourir à soi-même. Mais c'est au soi souillé par les péchés auquel on renonce, pour renaître dans la pureté et l'allégresse.» Puis il parcourt l'allée centrale pour nous bénir avec son goupillon ; en nous voyant, Loretta et moi, il a un large sourire, et je dois vraiment avoir une gueule de pécheresse, car il m'asperge littéralement d'eau bénite (mais c'est vrai que je suis la seule femme à assister tête nue à l'office).

Enfin, c'est l'Eucharistie, et on se donne la paix : une franche accolade entre Loretta et moi, quelques inclinaisons polies pour les fidèles japonais. Tous les officiants sortent, c'est terminé.

En longeant dans la nuit le Parc de la Paix pour rejoindre l'arrêt de bus de Matsuyama-machi, je repense aux propos échangés avec Loretta : même s'il est évident que je ne suis pas prête à partager la manière absolue dont elle vit sa foi, je ne peux m'empêcher de trouver joyeusement revigorante sa familiarité avec Dieu.

Comments:
Chère Lectrice,

Ben ça alors, je croyais avoir posté un commentaire ce matin? Anastasie aurait-elle eu la main preste?
Je maintiens que je n'ai pas la berlue: il y a bien, à nouveau, 2 compteurs dans la colonne de gauche.
Et quid des 5 extraterrestres?
Bises,

Lankou.
 
Chère Lectrice,

Je reviens au clavier, à propos de cette veillée pascale (que je glosais dans le commentaire disparu pour cause de mot de passe défectueux...). Le hasard (mais est-ce le hasard?) a voulu que je suive à l'instant un docu sur "L'Evangile selon Judas", qui ne me semble pas aussi révolutionnaire qu'on ne le dit. Jésus investissant Judas de la mission de le "trahir", ça peut sembler paradoxal, mais c'est bien pour se libérer de son enveloppe humaine et se révéler enfin dans sa Vérité absolue. Judas était peut-être le disciple le plus proche de Jésus, le plus apte à comprendre son message.
On parle de tout dans ce blog, c'est formidable.
Bises,

Lankou.
 
Tu as raison, l'Ankou, il y a bien 2 compteurs dans la colonne de gauche, mais avant de crier à la diffamation, je t'invite à lire l'EDIT 2 de la note en question ! Quant aux Martiens, ils m'ont posé un lapin, cf. les commentaires de ladite note.

Pour le reste, je n'ai pas vu le documentaire dont tu parles, mais tu sais que j'ai été une grande lectrice de René Girard, qui soutient que le christianisme est révolutionnaire en ce que, pour la première fois dans l'histoire des mythes, le sacrifice humain (=la crucifixion de Jésus) est présenté du point de vue de la victime, et non de manière symbolique du point de vue des bourreaux, comme c'est le cas dans les légendes qui caractérisent les religions premières.
Alors oui, peut-être Jésus aimait-il assez Judas pour l'amener à être le premier bourreau à comprendre cela...

Pour finir, Loretta m'a prêté aujourd'hui un livre intitulé : "Friends of God : Homilies by Josemaría Escrivá". Tout un programme ! Je te tiens au courant si j'y trouve des choses lumineuses.
 
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